L’industrie du plomb dans les Bouches-du-Rhône au XIXe siècle

À partir de 1860, le commerce des métaux connaît une grande expansion à Marseille. Ce mouvement favorise la découverte de mines nouvelles, ou la reprise de mines abandonnées. D’Algérie, d’Espagne, de Corse, d’Italie… de tout le bassin méditerranéen occidental parviennent dans le port de Marseille les produits d’exploitations minières ou d’usines de fusion. Les mines du midi de la France, surtout celles des Pyrénées et des Alpes, se sont associées à ce mouvement, et, chaque année a été marquée dans le département des Bouches- du-Rhône par la création d’usines métallurgiques importantes.

Ces usines sont regroupées aux environs de Marseille et sur différents points du littoral. On relève huit établissements de traitement du plomb : l’usine du Rouet, d’Arenc, de Saint- Louis, de l’Escalette, de Septème, des Catalans, de Bouc et enfin celle des Goudes.

Le développement industriel du quartier des Goudes

L’histoire de l’Escalette est depuis sa création étroitement liée au développement industriel du quartier des Goudes. L’implantation d’usines dans ce quartier excentré de Marseille doit son explication à la nature même de la production qui nécessitait un accès direct à la mer, conjugué à l’avantage de la direction du vent dominant, le mistral, chassant les pollutions loin de la ville.
Vers 1804 fut édifiée la première usine des Goudes. Elle occupait, avec ses dépendances, presque tout le fond de l’anse et s’employait à la fabrication de la soude artificielle à partir de l’acide sulfurique. Le petit port des Goudes permettait aux caboteurs d’approvisionner en sel la fabrique et d’en exporter les produits. Par la suite, la potasse supplanta progressivement la soude, ce qui causa la fermeture de l’usine vers 1865.

 

© IGNF

Des vestiges de cette usine ne subsistent que des galeries et des puits dans le sous-sol, où s’évacuent les eaux usées de nombreux cabanons.
Avant que ne cesse de fonctionner cette usine, deux autres traitant le plomb, furent créées dans le même secteur, l’une à l’Escalette par un dénommé Meunier vers 1851, l’autre aux Goudes en 1854.
De cette dernière qui employait dix-huit ouvriers et possédait huit fours, ne subsistent plus actuellement que les ruines de son condensateur. On les aperçoit sous l’aspect d’une étroite galerie en pierre à la voûte effondrée. Ce boyau grimpe jusqu’au sommet de la butte sur environ cent mètres de longueur.

Outre le plomb livré au commerce sous forme de grenailles, tuyaux et feuilles, il sortait des usines des lingots d’argent au titrage élevé, dit « argent de coupelle », dans le jargon du métier. La proportion était d’environ dix kilos d’argent par tonne de plomb argentifère.

Il est hasardeux de dater précisément la fermeture de ces usines à plomb. Ce que l’on peut affirmer, c’est que jusqu’en 1925 celle de l’Escalette était toujours en activité, alors que celle des Goudes était déjà en ruine au tout début du siècle.

Le développement industriel du quartier des Goudes ne se cantonne pas au traitement du plomb. On trouve à Callelongue les restes d’une ancienne usine de produits chimiques Weiss construite vers 1850 et désaffectée en novembre 1894. Sur ces ruines ont été construits des cabanons qui utilisent les vestiges de l’usine dont on distingue encore un condensateur grimpant la colline.
En bordure de la route allant des Goudes à Callelongue (alors dénommé Cannelongue), sur une centaine de mètres existait la raffinerie de souffre Chambon.
Il y entrait du minerai en provenance de Sicile et en sortait des produits raffinés dans des fours en brique réfractaire enfermant chacun une cornue en fonte. Les dépouilles de cette usine construite sous le Second Empire et qui n’entrait en activité que l’hiver au début du siècle, ont été vendues en 1927.
À partir d’un des bâtiments de l’usine fut édifiée une chapelle qui est à l’origine de la chapelle Saint-Lucien des Goudes inaugurée en 1931.

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De Samena à Callelongue, de nombreux affleurements de scories, réutilisées en remblais, sont visibles sur les côtés de la route, ainsi que sur la route menant des Goudes à la Baie des Singes, témoins de cette intense activité industrielle (cf. Louis Simonin, 1875, Notice sur les usines à plomb dans les Bouches-du- Rhône).

Aménagé en plusieurs phases successives, le Port n’est pas un complément de l’usine, il en constitue un maillon indispensable.
La raison première de l’implantation d’usines le long du littoral Sud de Marseille est due à la présence d’abris naturels permettant l’approvisionnement par mer, à coût réduit, des quantités considérables de matières premières que nécessite ce type d’activité, ainsi que l’enlèvement des produits finis.
Cependant, le faible tirant d’eau et l’étroitesse de ces calanques ne permettaient pas l’accès aux navires de gros tonnage, qui devaient ainsi décharger leur cargaison au port de Marseille, celle-ci étant ensuite transbordée sur de petits caboteurs.

Le port des Goudes, beaucoup plus accessible, était équipé d’un poste de douane par lequel transitait – pour le paiement des taxes – la production de l’Escalette et des autres usines du secteur.

L’on peut imaginer le flux continu d’acheminement du minerai par la Voie Nord, entre les quais de déchargement de ce port minuscule et les vastes bassins de stockage en partie haute de l’usine. La rapidité de ces manipulations était fondamentale afin d’éviter tout ralentissement de la production.
Les rares photographies d’époque témoignent des équipements et de la mécanisation des modes d’acheminement : rampes d’accès, tunnels, grues et palans, wagonnets circulant sur un réseau de rails, téléphérique à godets. Le tout tracté par la force animale tout d’abord, puis par la machine à vapeur.

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