Germaine Richier… spontanément ce nom m’évoque la Méditerranée, depuis la véritable Révélation éprouvée il y a plusieurs décennies devant quatre de ses silhouettes graciles et fortes à la fois, comme ancrées pour l’éternité au parapet de la terrasse du musée Picasso à Antibes, sur fond bleu d’azur de la mer.
C’est donc le parti pris de départ de cette exposition de révéler le caractère merveilleux du monde de Richier, imprégné de réminiscences de son enfance provençale, en présentant quelques-unes de ses oeuvres en osmose avec la nature des calanques.
Cela pourrait sembler banal, mais l’on ne retrouve dans les publications qui lui ont été consacrées qu’assez peu de photos d’oeuvres montrées en extérieur et encore moins en pleine nature.
Pourtant, d’après le critique Alain Jouffroy : « Germaine Richier fait souvent photographier ses oeuvres devant des arbres, où dans un fouillis de branches (…) »
Seules témoignent quelques très belles images, par Brassaï, Agnès Varda, Luc Joubert… prises dans le jardin sauvage de son atelier parisien de l’avenue de Châtillon, en Camargue où dans la campagne provençale.
Pour combler ce manque et se démarquer – modestement – de la formidable rétrospective qui s’est tenue en 2023, à Paris au centre Georges-Pompidou puis à Montpellier au musée Fabre*, le livret de l’exposition, privilégiant l’image, assortie d’un beau texte biographique d’Olivier Cena et de quelques citations, choisies pour la plupart parmi celles de ses contemporains, écrivains, critiques, poètes, artistes… donne à voir un choix de treize de ses créatures, humaines où hybrides, soigneusement mises en scène dans les ruines de l’Escalette colonisées par le maquis.
Malheureusement, il n’a pas été possible de laisser les sculptures exposées dans ce cadre naturel, mais le visiteur pourra les découvrir toutes proches, chacune sur son estrade de planches brutes, réparties entre un vaste espace – à la pénombre traversée de rais de lumière diffusés par des parcloses de bois occultant les ouvertures – et un patio cerné de hauts murs, à l’atmosphère paisible toute méditerranéenne.
Gageons que cette lecture de l’oeuvre de Richier, vue sous son rapport à l’humain et ses hybridations avec les formes de la nature, habitée par la croyance dans les forces panthéistes qui habitent le monde caché, devrait constituer une initiation aux mystères ** marquante pour le visiteur comme pour le lecteur, sans pour autant en occulter le caractère intemporel.
Éric Touchaleaume
L’Eau, 1953
Bronze
146 X 63 X 101 cm